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Contrôles Urssaf : Audition libre du dirigeant et risques pénaux

Dernière mise à jour : 21 févr.


Contrôle URSSAF


A la faveur d’un meilleur ciblage des employeurs présentant un profil de risque élevé de dissimulation d’activité ou d’emploi salarié (BTP, restauration, commerce, cosmétique et soins) [1], les contrôles Urssaf [2]se sont intensifiés ces dernières années. A titre d’exemple, l’Urssaf d’Île-de-France réalise plus de 10.000 actions de lutte contre le travail dissimulé chaque année.

 

Or, les sanctions qui découlent du travail dissimulé, notamment pénales, peuvent s’avérer particulièrement sévères et l’assistance d’un avocat en droit pénal est fortement recommandé face aux risques pénaux encourus par les dirigeants d'entreprise.

 

1. La notion de travail dissimulé


Le travail dissimulé est sanctionné par les articles L.8221-1 et suivants du Code du travail. Il désigne l’action de dissimuler, volontairement ou non, une activité professionnelle ou l’emploi de salarié(s) dans le but d’échapper à la déclaration des cotisations sociales et fiscales correspondantes.

 

La dissimulation d'activité[3] est le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à ses obligations dans le cadre de son activité notamment :

 

  • En ne demandant pas son immatriculation au registre national des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, ou en poursuivant son activité après un refus d'immatriculation ou une radiation ;

  • En ne procédant pas aux déclarations obligatoires auprès des organismes de protection sociale ou de l'administration fiscale ;

 

La dissimulation d'emploi(s) salarié(s)[4] recouvre trois types d'agissements imputables à l'employeur :

 

  • L'absence de déclaration préalable à l'embauche ;

  • L'absence de bulletin de paie ou la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. La Cour de cassation est venue préciser que la mention d’une partie seulement de la rémunération sur le bulletin de paie caractérise une dissimulation d'emploi salarié (Cass. Crim., 27 sept. 1994, pourvoi n°93-84.665). En revanche, l’infraction n’est pas constituée lorsque les heures non mentionnées correspondent à un temps durant lequel le(s) salarié(s) n'exerce aucune activité et peut vaquer librement à des occupations personnelles (Cass. Crim. 5 juin 2012, pourvoi n°11-83.319) ;

  • L'absence de déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises.

 

2. Les contrôles Urssaf 


L'Urssaf et ses inspecteurs garantissent les droits sociaux des salariés et s’assurent qu’il existe une concurrence loyale entre les entreprises.

 

A cette fin, l’Urssaf peut mener deux types de contrôle :

 

  • Le contrôle comptable d’assiette : Le contrôle peut s’effectuer sur pièces, dans les locaux de l’Urssaf, ou sur place. Pour cette dernière procédure, un inspecteur du recouvrement se déplace dans les locaux d'une société après l'avoir prévenue. Il procède à une vérification sur place, basée sur des documents comptables et sociaux, ainsi que sur des données transmises à d'autres administrations, comme les impôts (DGFIP). L'objectif est de s'assurer de l'exhaustivité et de la fiabilité des déclarations sociales effectuées par l'employeur [5] ;

  • Le contrôle inopiné : Les inspecteurs peuvent intervenir de manière aléatoire ou sur signalement dans tous types de lieux : entreprises, chantiers extérieurs, échafaudages, commerces, salons... L’objectif des inspecteurs est de vérifier que toutes les personnes en situation de travail à un instant T sont correctement déclarées. Lorsqu'un inspecteur constate qu'un salarié n'est pas déclaré, il recueille sur place des informations sur ses conditions de travail : planning, rémunération, heures travaillées, bulletin de salaire... Ensuite, le dirigeant est convoqué pour une audition libre où il doit fournir des justificatifs et s'expliquer. Si les constats sont confirmés, l'entreprise fait l'objet d'un redressement pour les sommes non déclarées [6]. L’Urssaf procède régulièrement à des opérations de contrôle inopiné. Ainsi, le 24 janvier 2024, 300 inspecteurs mobilisés sur 65 communes du Grand Paris ont contrôlé 308 employeurs et vérifié la situation de 620 personnes visant en priorité les salons de coiffure, ongleries et barbiers, activités particulièrement exposées au travail dissimulé[7].

 

À la suite du contrôle, l'inspecteur rédige une lettre d'observations présentant les constats effectués. La lettre d’observations ouvre une période contradictoire permettant à l'employeur de contester les constatations et d’apporter des éléments complémentaires en fait comme en droit.

 

3. Les sanctions du travail dissimulé

 

En plus des sanctions administratives, le travail dissimulé expose les employeurs à des sanctions pénales sévères.

 

3.1. Les sanctions administratives et sociales


Lorsque le contrôle abouti à une régularisation en faveur de l’URSSAF sollicitera le remboursement des cotisations sociales non versées. Ces redressements peuvent s’accompagner de pénalités de retard.

 

L'Urssaf peut également appliquer des majorations pour insuffisance de déclaration ou pour l'absence de régularisation des cotisations. Cela représente une charge financière considérable, particulièrement pour les petites entreprises qui peuvent ne pas avoir les ressources nécessaires pour faire face à ces coûts.

 

Ainsi, en cas de travail dissimulé, l'employeur est soumis à un redressement des cotisations et contributions sociales. Le montant du redressement est majoré de 25 %, ou 40 % si l'infraction concerne plusieurs personnes. Elles sont portées respectivement à 45 % et 60 % en cas de nouvelle infraction de travail dissimulé dans les 5 ans.

 

Enfin, en cas de rupture de la relation de travail, le(s) salarié(s) victime(s) de travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire[8] (Cass. Sociale 15 oct. 2002, pourvoi n°00-45.482 ; Cass. Sociale 20 févr. 2008, pourvoi n°06-44.964). Cette indemnité forfaitaire automatique versée au(x) salarié(s) est conforme à la Constitution (Cass. Sociale, 5 janv. 2011, pourvoi n°09-71.790 ; Cons. Constit., QPC n° 2011-111, 25 mars 2011).

 

3.2. Les sanctions pénales

 

Le travail illicite est une infraction pénale sévèrement réprimée. Le travail dissimulé par dissimulation d'activité ou dissimulation d'emploi salarié est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45.000 €[9]. Ces peines sont aggravées en cas d'emploi dissimulé de plusieurs personnes[10] et éventuellement complétées par des interdictions, confiscations ou privations de droits ainsi que par l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée[11]. Il est, enfin, prévu que peuvent être reconnues pénalement responsables tant les personnes physiques, donneurs d'ordre, que les personnes morales[12].

 

En plus de la peine principale, les juges peuvent condamner l'employeur, personne physique ou personne morale, à des peines complémentaires telles que, notamment l’interdiction temporaire d'exercer certaines activités professionnelles voire la dissolution de la personne morale[13].

 

4. Les procédures de redressement et pénale consécutives au contrôle Urssaf

4.1. La procédure de redressement Urssaf

 

A l’issue du contrôle l’inspecteur adressera une lettre d’observation mentionnant l'objet du contrôle, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci. Surtout, cette lettre d’observation précise le montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités[14].

 

La personne contrôlée dispose d’un délai de 30 jours pour répondre à cette lettre d’observation et apporter des éléments sur les chefs de redressement présentés. Il est possible de demander 30 jours supplémentaires pour répondre[15].

 

Ce n’est qu’à l’issue de cette période contradictoire que l’Urssaf peut envoyer une lettre de mise en demeure indiquant le montant des redressements. La personne contrôlée doit payer l’intégralité de la somme indiquée sur la mise en demeure dans les 30 jours qui suivent la réception de la mise en demeure.

 

En cas de désaccord, la personne contrôlée bénéficie d’un délai de 2 mois à compter de la mise en demeure pour saisir la Commission de recours amiable (CRA) [16].

 

En l’absence de saisine de la Commission de recours amiable (CRA) dans le délai de 2 mois, la décision prise par l’Urssaf deviendra définitive.

 

Il est possible de contester la décision de la Commission de recours amiable (CRA) devant le tribunal judiciaire dans les 2 mois à compter de sa réception ou dans les 2 mois du silence gardé par la Commission de recours amiable (CRA).

 

Compte tenu de la technicité du redressement Urssaf, l’assistance d’un avocat en droit pénal ou d’un professionnel du droit est fortement recommandé.

 

4.2. La procédure pénale

 

Si un contrôle URSSAF révèle des faits de travail dissimulé, le dossier sera transmis au procureur de la République, ouvrant ainsi la voie à des poursuites pénales.

 

Le dirigeant de l’entreprise concernée est alors convoqué en audition libre par les services d’enquête (gendarmerie ou police) afin de donner sa version des faits et d’apporter tout document.

 

L’audition libre permet d’interroger dans les locaux de la police ou de la gendarmerie une personne suspectée d’avoir commis une infraction sans avoir à procéder à son placement en garde à vue et sans qu’elle y soit retenue sous la contrainte. La personne convoquée en audition libre bénéficie du droit à l’assistance d’un avocat en droit pénal au cours de l’audition.

 

En cas d’éléments probants, le parquet peut adresser au dirigeant une convocation en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), aussi appelée « plaider-coupable », permettant au mis en cause d’accepter une peine négociée (amende, interdiction de gérer une entreprise, voire peine de prison avec sursis)[17].

 

La personne mise en cause doit obligatoirement être assistée d'un avocat à toutes les étapes de la procédure[18]. Il est recommandé de faire appel à l’assistance d’un avocat en droit pénal habitué à traiter ce type de dossier afin de vérifier le respect de la procédure et l’absence de nullité.

 

La procédure de CRPC de déroule en deux étapes. La personne mise en cause est convoquée devant le procureur de la République, soit par une citation directe, soit par une convocation remise par la police ou la gendarmerie. Le procureur de la République propose une peine lors d'un entretien avec la personne mise en cause et son avocat[19]. En cas d’acceptation de cette peine par le mis en cause, la peine peut être homologuée par le président de la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire[20].

 

Si le dirigeant refuse cette procédure ou que la peine n’est pas homologuée par le président du tribunal judiciaire, l’affaire est alors portée par le procureur de la République devant la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire, où il risque des sanctions pénales plus lourdes, notamment jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende.

 

Concernant les intérêts civils, au cours de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) comme devant la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire, l’Urssaf peut se constituer partie civile et solliciter la réparation de son préjudice. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a néanmoins précisé que ce préjudice ne peut pas englober les majorations pour travail dissimulé (25%) et les annulations des réductions de cotisations qui « revêtent le caractère d'une punition » (Cass. Crim., 21 janv. 2025, pourvoi n°23-85.053, pourvoi n°23-81.543).

 

Cependant, ces montants pourront être recouvrés dans le cadre de la procédure de redressement administrative.

 

 

Notes de bas de page:

[2] Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales

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Mathieu Petresco

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